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Vers une évolution du mariage en Europe

Vers une évolution du mariage en Europe ?



Alexandra Turchetta*



S’agissant de la définition et de la mise en œuvre des politiques de la famille, l’Union Européenne ne dispose d’aucune compétence propre. A ce titre, le mariage, institution commune à tous les Etats membres de l’Union, relève de la compétence exclusive des Etats.


En Italie, il existe trois types de mariages. Tout d’abord il existe une forme de mariage civil, qui est célébré par l’officier d’état civil à la mairie. Ensuite, l’Italie permet la célébration d’un mariage religieux avec effet civil, qui est appelé « mariage concordataire ». Cette forme d’union est réservée aux mariages catholiques, conformément à un Concordat entre l’Italie et le Saint-Siège, et est célébrée par un ministre du culte ou un officier d’état civil. Enfin, il existe une forme de mariage religieux sans effet civil. Ces mariages se déroulent alors selon un rite exclusivement religieux, quel qu’il soit.


En France, le couple est libre de faire célébrer son mariage devant une autorité religieuse, mais il doit préalablement remplir les formalités inscrites aux articles 64 et suivants du Code civil et faire célébrer son union civilement devant un officier d’état civil. Selon l’article 433-21 du Code pénal, « Tout ministre d'un culte qui procèdera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l'acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l'état civil sera puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende».



L’institution du mariage a par ailleurs subi dernièrement une grande évolution en France : la loi Taubira entrée en vigueur le 18 mai 2013 ouvre désormais le mariage aux couples de même sexe. A ce titre, la France prend place parmi les pays européens autorisant le mariage homosexuel et rejoint ainsi les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, la Suède, la Norvège, le Portugal, l’Islande et le Danemark.


Au contraire, l’Italie figure dans la liste des pays d’Europe ne permettant aucune forme d’union homosexuelle. En effet, de même que la Grèce, Chypre, Malte, la Slovaquie, la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie, la Roumanie, la Bulgarie et la Pologne, l’Italie ne permet pas le mariage de personnes de même sexe, ni même une quelconque forme d’union civile.



Déjà le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne en 1957 prévoyait en son article 3 c. « l’abolition, entre les Etats membres, des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux ». Depuis le traité de Maastricht signé en 1992 et l’introduction de la citoyenneté européenne, qui figure aujourd’hui à l’article 9 du Traité sur l’Union Européenne, les citoyens de l’Union disposent de plus de la liberté de circulation et de séjour sur tout le territoire de l’Union.


Mais qu’en est-il de la liberté de circulation et de séjour d’un couple de personnes de même sexe, citoyennes de l’Union, et légalement mariées dans un Etat membre ? Peut-on réellement affirmer qu’un couple homosexuel français marié en France dispose d’une liberté de circulation et de séjour effective alors même que son union ne pourrait être reconnue en Italie ?


En effet, les mariages homosexuels, de même que les partenariats enregistrés légitimement célébrés dans un Etat membre permissif ne sont pas automatiquement reconnus par les Etats membres ne consacrant pas eux-mêmes de telles unions. Dès lors, l’union étant reconnue au titre de « relation durable dûment attestée », le pays ne doit que « faciliter l’entrée et le séjour du partenaire sur le territoire ».



Outre le problème attaché à la citoyenneté de l’Union Européenne, force est de constater par ailleurs que cette pluralité de législations risque de donner naissance à des statuts boiteux.


A l’heure de la mondialisation, il semble que de tels obstacles s’inscrivent à contre courant, mais peut être la Cour Européenne des Droits de l’Homme viendra-t-elle mettre de l’ordre afin d’unifier ces législations. En effet, n’a-t-elle pas déjà à maintes reprises fait preuve d’un dynamisme interprétatif afin de tirer du texte conventionnel de nouveaux droits ?



La Cour a été confrontée à la question de la compatibilité de l'exclusion du mariage homosexuel avec la Convention, notamment en son article 8 « droit au respect de la vie privée et familiale ». Dans l’arrêt MASLOV contre Autriche du 23 juin 2008, après avoir observé qu'à l'heure actuelle la question de l'admission ou non du mariage entre personnes du même sexe fait l'objet de débats au sein des sociétés européennes, elle constate qu’il n’existe pas de réponse uniforme ou même dominante des législations nationales et conclut à l’absence de violation de la Convention.



Bien qu’ayant pour l’heure tranché la question, la Cour avait de la même manière longtemps accordé une marge nationale d'appréciation aux Etats, s’agissant de la transcription dans les registres de l’état civil du changement de l’apparence sexuelle d’une personne transsexuelle. Cette approche s’illustre dans l’arrêt REES contre Royaume Uni du 17 octobre 1986.


Pourtant, depuis un arrêt de grande chambre du 11 juillet 2002 GOODWIN contre Royaume Uni, la Cour est revenue sur cette interprétation, estimant qu'il y avait eu une évolution en faveur de l'admission d’une telle transcription. A ce titre, elle avait déclarée la même législation britannique contraire à l'article 8 de la Convention.



Ainsi, bien que momentanément l'exclusion du mariage entre personnes du même sexe soit estimée conforme à la Convention, il y a fort à parier que face à la multiplication des législations admettant le mariage entre personnes de même sexe, la Cour ajuste sa position.



*Università di Strasburgo – Stage presso lo Studio legale Di Vizio e Venezia – www.dviure.com


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